Si Emile Couzinet s'est fait connaître comme le roi du nanar franchouillard, il est surtout un précurseur de l'industrialisation du cinéma. Avec l'ambition de maîtriser l'ensemble de la filière cinématographique pour ne dépendre de personne. Projectionniste ambulant avant la Première guerre mondiale, il fonde une société de distribution de films et crée un circuit de salles de cinéma de Saintes à La Rochelle, de Toulouse à Agen, ainsi qu'à Bordeaux où il fait notamment construire le Rex, directement inspiré du célèbre cinéma parisien. Il se fixe à Royan au début des années 30, et devient directeur et actionnaire majoritaire du Casino municipal dont il transforme les entrepôts en studios de cinéma. Ce seront les premiers de la Côte Atlantique. Lorsque Royan n'est plus que ruine après les bombardements de 45, Émile Couzinet relance son activité cinématographique à Bordeaux. Ses nouveaux studios sont équipés du matériel le plus moderne. On parle de Hollywood-sur-Gironde. Il en devient le nabab. Riche et célèbre dans le Sud-Ouest. L'homme est colérique mais fidèle en amitié. Il sait s'entourer de bons techniciens et d'acteurs issus du théâtre. Il crée sa propre «troupe» . Ses tournages sont comme des réunions de famille. Robert Lamoureux et Jean Carmet ont débuté devant ses caméras. Ils ne l'ont jamais oublié. Producteur, réalisateur et scénariste, il est l'inventeur de la formule «On y rit, on ira !». Son nom et ses films sont restés synonymes de divertissement populaire jusqu'à ce que la Nouvelle Vague ne le balaie sur son passage à la fin des années 50. De la trempe des grands entrepreneurs de spectacles et personnage romanesque, Citizen Couzinet eut une vie digne d'un bon scénario.
Journaliste et historienne de l'art, Françoise Mamolar a également produit une vingtaine de films pour la télévision ou le cinéma.